Apéro au nord, terrasse au sud
Ce vendredi matin, en pointe sur la route qui se rapproche des Açores par le nord, Acrobatica ouvre toujours la marche, creusant légèrement l’écart avec ses poursuivants immédiats. Si aucun marin ne cache son impatience d’en finir avec le long bord de près qui les condamne à vivre penchés, les conditions plus favorables rencontrées hier soir - grand soleil et mer assagie - leur ont donné de bonnes raisons d’apprécier la vie au beau milieu de l’océan.
Une expérience que mesure à sa juste valeur Lomano Takasi, qui traverse pour la toute première fois l’Atlantique sur Captain Alternance, toujours bien accroché dans le match depuis le coup d’envoi. « C’est incroyable d’être ici ! Devant moi la nuit noire étoilée et derrière moi les premières lueurs. La mer est plutôt calme, nous filons vers la transition qui va nous permettre de descendre vers les Açores. Première nuit depuis le départ où les températures sont douces, les quarts s’enchaînent, avec pas mal de sommeil à récupérer pour l’équipage. C’est incroyable d’être la au milieu de cet océan ! »
Il y avait comme un air de « champagne sailing, comme disent les anglais » dixit Benjamin Schwartz à bord du bateau de tête. À bord de Groupe SNEF, Xavier Macaire et les siens se sont même accordés le luxe de sortir le saucisson à l’heure de l’apéro, utilisant le moindre recoin disponible dans leur espace de vie restreint. C’est dire si les affaires reprennent pour le wagon de tête qui devrait virer en fin de journée.
À bord de Vogue avec Crohn, c’est la plume que prend Sophie Faguet pour partager un précieux moment de mer, alors qu’elle a eu, avec ses coéquipiers la chance, de croiser la route de cétacés.
« Baleines, baleines, baleines ! »
Cette alarme un peu flippante et aussi accrocheuse que le réveil du bateau n'a pas retenti pour prévenir Pierre-Louis et Maxime que nous allions taper (contrairement à leur interprétation) mais parce que plusieurs souffles ont jailli à notre vent pendant quelques minutes, révélant la présence de ces majestueux mammifères.
On sent que l'on se rapproche du sanctuaire des Açores, non seulement par leur présence, mais aussi par celle de cette grosse boule de feu qui accapare le ciel aujourd'hui et dont les sudistes nous parlent tellement souvent.
Cela fait un bien fou de sentir sa chaleur venir nous réconforter dans notre périple penché. Il ne fait pas encore suffisamment chaud pour envisager de se laver, au moins on est tous d'accord sur ce point et on sait donc à quoi s'en tenir pour deux trois jours encore. »
Au sud, les six marins qui ont choisi une option radicale à la chasse aux vents d’alizés poursuivent leur descente. Everial, Dékuple : même combat le spi hissé haut, sur une mer bleu azur. Au détour de cette longue route, qui les voit pointer ce matin à 130 milles au large de Lisbonne, la course a pris un nouveau visage. « Leur idée, c’est sans doute de faire la roue idéale au portant en plongeant plein sud, en espérant toucher des alizés profonds qui sont très mal modélisés sur les fichiers. C’est un pari ; et il faut s’armer de patience, sur cette option qui rallonge considérablement la route et peut se révéler payante qu’en approche de l’arrivée », expliquait hier le directeur de course, Gildas Morvan.