Alizés désirés, sargasses redoutées
À 900 milles de l’arrivée, une ultime course de vitesse est engagée pour le peloton de la Niji40. Le duel qui oppose Groupe SNEF et Acrobatica redouble d’intensité à mesure que leurs équipages de trois marins, séparés par une poignée de milles, progressent vers Marie-Galante. Leurs poursuivants ne sont pas en reste alors que la météo, qui a donné le tempo ces derniers jours, leur a bien donné du fil à retordre sur un plan assez difficile à déchiffrer.
Duel en tête, match à tous les étages
Aux côtés d’Alberto Riva, Benjamin Schwartz plante le décor : « Après 48 ou 72 heures, on ne sait plus, compliquées à se battre avec les grains, le vent qui tourne, ce n’était pas si simple de choisir sa trajectoire. On a quand même pas mal subi, c’était un peu au petit bonheur la chance en fonction des nuages qui nous cueillaient, ou cueillaient l’autre… Dans tout ça, on a créé un peu d’écart latéral avec nos amis de Groupe SNEF. La mer est métallique, le ciel est gris, le paysage monochrome. Et maintenant, on fait route vers la petite dépression tropicale qui est sur notre chemin. Il n’y a plus trop de choix à faire… »
Tous les ingrédients sont réunis pour que la régate océanique prenne tous ses droits. C’est parti pour un dernier round de quatre jours aux airs d’étape de Solitaire du Figaro à bord de Class40 aux potentiels de vitesses homogènes. Les poursuivants des duettistes de tête ne cèdent rien dans cette bataille où le diable se niche dans les réglages fins et des légers décalages pour gagner de précieux dixièmes de nœuds.
« On a des conditions un peu faibles. Le bateau va bien, on essaye d'aller tout droit. Il ne se passe pas grand-chose en termes de manœuvres ; et on essaye juste de faire avancer le bateau au mieux pour essayer de gagner un peu de terrain sur les deux de devant. On a hâte de voir les premiers passages à niveau qui vont se présenter sur notre route. On est contents de notre position et on a les crocs pour essayer de rattraper les deux leaders », indique Sophie Faguet, coéquipière du 3e, Vogue avec un Crohn, le plus rapide ces dernières 24 heures du peloton. Chaque place du classement se dispute cher, alors qu’Amarris remonte en flèche, ce jeudi, et menace de s’emparer de la 5è place de Captain Alternance.
La poisse des Sargasses
Au chapitre de la météo, les prochaines 24 heures seront marquées par la traversée d’une dépression tropicale, qui menace surtout de déverser des pluies diluviennes sur le pont des Class40. Au menu : des grains avec un risque d’orages générant de l’instabilité avant le retour samedi des vents d’alizés. Ces portants salvateurs donneront alors le coup d’envoi d’un dernier sprint sous spi pour rejoindre les eaux bleu turquoise baignant la baie de Saint-Louis. Seule ombre à ce tableau : les sargasses, ces algues brunes qui forment des paquets compacts s’enroulant dans la quille et les safrans des bateaux. Aucun équipage n'y échappe. Tous doivent redoubler de vigilance et s’en débarrasser à l’aide d’une corde à nœuds.
Si les alizés font encore défaut, leur présence ne trompe personne : le peloton se rapproche de l’arc antillais, où les premiers sont attendus à la mi journée, heure locale de lundi (-6h avec la Métropole) pour faire résonner le refrain de la célèbre chanson de Laurent Voulzy qui a inspiré le tracé de cette Niji40 entre les deux îles cousines de l’Atlantique. Quant aux équipages d’Everial et de Dékuple, ce n’est pas tant « de l’eau, de l’eau qui les sépare » de leurs camarades de flotte, mais bien ce vaste anticyclone qu’ils contournent par le sud. Mais pour eux aussi, les alizés se font encore désirer. Ce jeudi, il leur faut donc encore ronger leur frein et plonger encore l’étrave en bas avant de toucher ces vents qui leur permettront enfin d’allonger la foulée, cap sur Marie-Galante. D’après les dernières estimations, il leur reste encore huit jours de mer avant de rallier à leur tour la baie de Saint-Louis.