12 trios en “trois-huit”
À l’entame du 5e jour de mer, les 13 équipages de trois marins de la Niji40 ne connaissent pas beaucoup de répit. Les trios ont établi leur routine à bord, dans un souci constant de performance. En mode trois-huit en somme, ils alternent à tour de rôle entre le cockpit, l’ordinateur et la bannette pour maintenir la cadence à un très haut niveau d’exigence. Sur la base de quarts d’une heure et demi - deux heures, un roulement s’est établi dans chaque bateau, au nord comme au sud du plan d’eau.
Scow, boulot, dodo
Scow, boulot, dodo, c’est leur crédo pour tirer le meilleur de leur Class40 de dernière génération aux lignes arrondies qu’ils poussent dans leurs retranchements sur fond de grande bataille stratégique.
Un exercice qui sourit aujourd’hui aux trois complices d’Acrobatica, toujours présents aux avant-postes depuis le coup d’envoi de la course entre Belle-Ile-en-Mer et Marie-Galante. Ce matin, après avoir couru depuis plus de 48 heures aux trousses d’Amarris, ils sont enfin parvenus à se propulser en tête pour une toute petite poignée de milles d’avance. Ce qui ne manque pas de réjouir, ce midi, le talentueux Alberto Riva qui raconte que « tout va bien à bord. À part l’écoute de grand-voile un peu fatiguée, le bateau est en forme, et l’équipage est super ».
Bien entouré de son complice Jean Marre avec qui il a travaillé sur un long chantier d’hiver pour préparer son voilier prototype de 12,19 mètres, il s’appuie aussi sur l’immense expérience de Benjamin Schwartz. Peu connu du grand public, ce dernier n’en compte pas moins parmi les équipiers les plus recherchés, sur les circuits iMOCA et Ultim ; en mer comme à terre pour ses compétences en matière de routage météorologique. « À trois, on fait tous un peu tout à bord. Ben fait un peu plus tourner les routages sur l’ordi pour nourrir la réflexion collective. Et il n’y en a pas un d’entre nous qui fait la cuisine pour les autres », s’amuse Alberto qui confie être surtout « branché sur la course ».
Dans 48 heures aux Açores
Même sanction, même punition pour les autres partisans d’une option au plus près de la route directe pour rejoindre les Açores par le nord. Nicolas Jossier plante le décor à bord de La Manche-Évidence Nautique : « les jours se suivent et se ressemblent un peu. On est toujours dans notre très long bord de près, bon plein. Le vent oscille pas mal entre 15-20 nœuds, la mer, plutôt grise, n’est pas très bien rangée », indique celui qui pointe en 3è position.
« La course est stimulante, on a le nez dans l’ordi à regarder ce que font les autres, le nez sur le bateau qu’il faut faire marcher au mieux ; et le nez vers l’avant, vers la dépression qui nous attend près des Açores. Cela va être un gros morceau, qu’il va falloir passer sans encombres », ajoute le skipper normand. D’après les dernières estimations, il est attendu avec le petit groupe de bateaux de tête, samedi en début de soirée au passage de l’île de Santa Maria, marque de parcours à laisser à tribord, dans le sud-est de l’archipel portugais.
La plongée du sud ?
Et au sud, qu’en est-il ? En termes de navigation, tous les indicateurs sont au vert. Mais dans des conditions de rêve, pas de trêve qui tienne, alors que que la bataille stratégique bat son plein. « On a fait le choix de ne pas faire la route nord. Le premier enjeu, c’est quand même d’arriver avec ce bateau neuf en bonne forme de l’autre côté pour la suite du programme », indique Davy Beaudart, coéquipier de William Mathelin Moreau sur Dékuple.
«On sait toujours que les routes nord, qui sont souvent données gagnantes, ne se révèlent pas toujours vraies. On mise sur le fait que les alizés sont un peu plus forts que sur les fichiers, qui ne sont pas toujours réels. Et surtout, sur notre capacité à faire marcher le bateau à 100% sur une mer très plate ; et on va essayer d’en jouer au maximum », complète celui qui progresse au contact et à vue d’Everial. À 16h, cet après-midi, ces deux scows, qui ne se quittent plus d’une semelle, plantent l’étrave plein sud, cap au 180°. La chasse aux alizés profonds sur une trajectoire qui pourrait descendre jusqu’aux Canaries semble ouverte. Tout porte à croire, ce soir, que le match nord/sud, qui fait souvent le sel des transats de printemps, commence…